Après avoir longtemps pleuré le départ des Camerounais rattachés au Nigeria à la suite du referendum de 1961, la Nation s’est remise en marche en faisant du triste anniversaire un jour de joie : fêter la jeunesse qui incarne l’avenir.
À la fin de 1963, le gouvernement dirigé par John Ngu Foncha rendit public son projet de dédier la journée du plébiscite à sa jeunesse. Cela impliquait que le 26 octobre (fête nationale du Cameroun occidental) deviendrait obsolète et que la Journée de la jeunesse serait désormais célébrée le 11 février. La missive du secrétaire du Premier ministre révélait ainsi l'amendement.
Le ministère de l'Éducation et de la Protection sociale, chargé d'organiser les événements de la Journée de la jeunesse, en collaboration avec les autorités civiles de diverses divisions, a réaffirmé «l'intention du gouvernement du Cameroun occidental de rendre les célébrations de la Journée de la jeunesse de cette année [1964] uniques, en commémoration du jour du plébiscite qui a apporté l'indépendance à cet État ». Il a appelé toutes les forces « à donner, à l'occasion, la dignité et la popularité qu'elle mérite ».
L’événement se voulait unique. Le gouvernement du Cameroun occidental avait invité à Buea et à Bamenda plus de 200 dignitaires du Cameroun oriental (français), dont le président fédéral Ahmadou Ahidjo (qui ne fit pas le déplacement), les maires de Douala, Nkongsamba, Kribi, Yaoundé, les chefs traditionnels comme le roi Manga Bell de Douala et le Sultan de Foumban.
Il était prévu que cette première Journée de la Jeunesse et des Sports organisée le jour du plébiscite se déroulerait les 11 et 12 février. À cette fin, et pour assurer une participation massive, les anciens centres de Tiko, Victoria et Muyuka ont été fusionnés au centre de Buea, tandis que les centres de Ndop, Santa, Bafut, Bali et Mbengwi ont fusionné avec le centre de Bamenda.
En raison de la mauvaise infrastructure routière et de la rareté des véhicules, les élèves des zones rurales se rendaient à pied à Bamenda tandis que diverses communes assuraient le transport des enfants. Toutes les routes menaient à Buea et à Bamenda pour cette grande occasion.
En 1966, le gouvernement fédéral camerounais a adopté la fête du Cameroun occidental et l’a érigée en jour férié national. Depuis lors, la fête nationale de la Jeunesse du Cameroun est célébrée tous les 11 février. De nombreux Camerounais se souviennent avec une immense nostalgie des événements de leur fête de la Jeunesse. Peu d’entre eux savent que cette date importante du calendrier national camerounais est née au Cameroun occidental.
De toute évidence, le gouvernement dirigé par Foncha avait les meilleures intentions en dédiant la journée du plébiscite à sa jeunesse à une époque où les jeunes bénéficiaient d’un « prestige culturel » exceptionnel du fait qu’ils étaient perçus comme les principaux agents de transformation des Nations fraîchement décolonisées.
Depuis 1966 pourtant, aucun discours de la fête de la Jeunesse n’a été prononcé en anglais, sous l’ère Ahidjo et en 43 ans de l’ère Biya Pour une Nation qui revendique son héritage colonial français et britannique, l’exemple de la fête nationale de la Jeunesse démontre clairement la proportion farfelue de telles revendications.
C’est ainsi qu’en 1990, John Ngu Foncha, alors vice vice-président de la République, va saisir le secrétaire général de l’Onu pour marquer son mécontentement avant de démissionner du gouvernement.
Clément Noumsi (Source : archives locales de Bamenda)
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