Pour en parler, nous avons rencontré pour vous un jeune entrepreneur camerounais Cyrille TCHAMBA qui a accepté de se prêter au jeu.
Afrique En Éveil : Bonjour Cyrille, l’UPC a commémoré ce 13 Septembre la mémoire du nationaliste Ruben UM NYOBE. Quel est votre point de vue de cette situation au regard du traitement qui est réservé à nos martyrs ?
Cyrille TCHAMBA : bonjour et merci beaucoup avant de commencer,permettez moi de rendre un hommage à la mémoire de Ruben UM NYOBE et de l’ensemble des nationalistes camerounais qui sont tombés sur le chant de la bataille de notre liberté. Chant de la bataille de notre liberté qui est encore en cours parce qu’à l'étude, à l’observation de l'histoire du Cameroun, en fait elle ne s’est jamais estompée. Il y a eu un essoufflement du mouvement nationaliste mais avec les mouvances panafricanistes, on voit une remobilisation de la jeunesse africaine autour des thématiques de libération, d'indépendance et puis d'appropriation de notre destin. Ainsi Ruben UM NYOBE dans l'imaginaire des camerounais est très mal situé notamment pour les jeunes parce que l'enseignement que l’on reçoit dans les écoles primaires sur l'histoire de notre indépendance le place plutôt comme étant un « maquisard », un rebelle donc c'est comme ça qu’il est traité dans la mémoire actuelle du Cameroun mais il y a un malaise qui se crée depuis un certain nombre d'années, une trentaine d'années ou des thématiques patriotiques révolutionnaires sont revenues et la population de manière tacite tente à réhabiliter ces combattants de la liberté du pays. Mais on se rend compte que c'est peut-être les autorités publiques qui n'ont pas encore pris en main n'est-ce pas à eux de faire ce travail qui est un travail de profondeur, de réétudier de notre histoire notamment la période entre 45 et 71 ou effectivement il y a eu beaucoup de mouvement, beaucoup de dommages mais aussi quelque chose qu'il faut, je dirais qu’il faut faire le tri pour séparer le bon grain de l’ivraie afin de restituer chacun dans les rôles qui ont été les siens. Ma question fondamentale est de savoir, est-ce que ceux qui sont en charge de notre gouvernance aujourd'hui ont la capacité, la volonté, l'équilibre, de la liberté, de l'équilibre pour comprendre et d’admettre les vérités qui peuvent surgir d'une réécriture de l'histoire du Cameroun autour de son nationalisme.
AEE : vous parlez de réécriture de l'histoire du Cameroun, en visite au Cameroun en 2022 le président Macron avait dit du haut de la tribune lors des interviews au palais de l'Unité qu’il est favorable pour la dé classification des archives afin qu'on puisse avoir une connaissance réelle de tout ce qui s'est passé ici pendant la présence française, que pensez-vous de cela deux ans après on attend toujours ?
CT : je peux revenir à la reconnaissance par exemple des massacres de l'armée française que le président François Hollande avait déjà fait enson temps quand il était de passage au Cameroun, il avait reconnu les massacres de l'armée française en pays Bassa et Bamiléké, le président Macron a fait un autre pas, un pas qui estimable parce qu'on part quand même de loin. On a on est passé de la négation à la presque acceptationdes souffrances des populations qui ne souhaitaient que vivre différemment. Donc il y a un travail qui est fait sur l'histoire notamment de l'UPC, l'histoire des indépendances en Afrique où il y a toute une commission que le président Macron a mis en place en France, je crois que tout cela va dans le sens n'est-ce pas d'aller vers la promesse présidentielle de déclassifier les archives mais il y a déjà une partie des archives qui ont été déclassifiés et il y a une partie des langues qui sedélient parce que au-delà des archives il y a que beaucoup de bouquins, des gens le savent, au moins les témoignages des français et même des Camerounais qui ont vécu ces périodes difficiles et qui peuvent venir nous permettre de savoir qu'est-ce qui s'est passé dans ces zones là,qu'est-ce qui s'est passé durant ces année-là donc nous demandons à la France d'accélérer le pas parce que cela va, de la construction de notre identité, cela pose des problèmes dans le présent des camerounais, dans la structuration de la nation parce qu’on a l'impression que nous ne sommes pas détenteurs de l’entièreté de notre histoire et surtout nous devons faire ce travail d'histoire, de mémoire afin de construire le Cameroun pour un avenir radieux. Or si nous biaisons, nous n'avons pas la réalité de ce qui s'est passé, nous biaisons et vous savez tout ce qui est conçu sur une mauvaise fondation ne va jamais loin, ça s'écroule.
AEE : oui en tant que jeune camerounais, que pensez-vous de ces monuments et rues qui portent les noms des Occidentaux pourtant une grande partie de nos Martyrs camerounais ne sont pas connus àjuste titre ?
CT : c'est toujours facile de placer la chose sous le prisme d’un nationalisme qui pourrait à un moment donné se transformer en xénophobie. La reconnaissance des gens qui ont fait le monde en général ne pose pas problème, par exemple il y a John Kennedy mais ça il faut savoir aussi que certaines rues de France portent des noms d’illustres africains donc ce n'est pas toujours dit que c'est une mauvaisechose par contre je sais déjà il y a deux problèmes. Moi je vais situer les problèmes, c'est que nous avons un problème au Cameroun notamment dans nos cités urbaines avec le problème de l'adressage, est-ce que les rues sont bien répertoriées ? Est-ce qu'elles sont bien adressées ? Est-cequ'elles sont numérotées ? il y a un effort qui est fait notamment à Yaoundé, où les rues commencent à être numérotées ensuite il y a un travail n'est-ce pas de restitution de ces personnalités, de ces icônes de notre pays par zone, par l'histoire, par la géographie. Ceux qui ont fait des exploits et il y a une méthodologie qu'il faut adopter pour pouvoir permettre que nous puissions définir un peu les critères d'attribution des noms de rue donc à Yaoundé par exemple il y a un certain nombre de rue qui porte des noms de ceux qu'on dirait des héros de la colonisation (Rue Charles ATANGANA, Rue Mballa Etoundi, etc.) donc je pense qu'il y a un mouvement qui est fait et avec le temps, il sera question de corriger ce qui nous semble de notre gloire et ce qui semble de la gloire des autres contre nous donc si nous ne sommes pas d'accord avec le Général Leclerc par exemple après qu'on ait fait une autopsie de l'action qu'il aura mené en ce qui le concerne au Cameroun ou en Afrique il est possible qu'on le déclassifie ou qu'on continue à l'honorer si on trouve que son action a été positive. j'ai participé en France à l’époque par exemple sur des combats de débaptisassions des rues par exemple des rues Alexis Carrel qui était un infirmier qui avait fait beaucoup de choses pour la seconde guerre mondiale mais qui en même temps en fouillant dans son histoire avait été un fervent défenseur des thèsesdarwiniennes donc c'était un négationniste et on s'est rendu compte par l'histoire que cette action et beaucoup de villes en France ont commencé progressivement à débaptiser ces rues qu'on disait les rues Alexis Carrel. Donc le Cameroun dans son adressage à tout ce travail à faire et nous sommes là, nous sommes tous volontaires pour que nos pays, notre pays ressemble à quelque chose il faut aussi parler du problème des infrastructures routières parce qu'il y a que les rues dans leur adressagedoivent être praticables et qu'elles doivent être entretenues et en bonne condition.
AEE : en tant que jeune camerounais qui a fait l'Hexagone et qui est revenu, comment est-ce que vous voyez que nous puissions faire pour nous approprier notre propre histoire ?
CT : vous savez l'histoire est vaste mais il y a un travail et peut-être je vais vous choquer, ceux qui liront le diront, souvent c'est ceux qui sont de l'autre côté c'est-à-dire aux États-Unis ou au Canada qui ont la curiosité historique, mieux que ceux qui sont restés. Les questions de génocide en pays Bamiléké, les questions de nationalistes camerounais,je les ai découvert beaucoup plus sur la place parisienne qu’à Yaoundé et il est difficile je vous le dis, d'aborder ce sujet avec les jeunes camerounais qui sont très éloignés de ces problématiques. Donc il y a un besoin de travailler là-dessus, de démocratiser aussi l'accès à l'information là-dessus à travers des publications mais surtout que l'État fasse son devoir qui est le devoir de mémoire, et de mise en forme de tous ces aspects qui vont permettre que nous ayons notre histoire. Et un dernier point là-dessus, c'est que même les institutions privées que ce soit les structures privées les bibliothèques ou même les entreprises peuvent faire quelque chose, parce qu'elles ont les moyens et peuvent se permettre de financer,on ne finance pas que le sport on peut sponsoriser aussi la recherche l'archéologie, la culture et justement la promotion pourquoi des entreprises de financeraient pas des bouquins qui travaillent sur cette thématique à disposition des jeunes adolescents.
AEE : pour terminer, quel message pouvez-vous passer aux camerounais qui vont vous lire concernant les martyrs?
CT : j’ai l'habitude de le dire, une chose c'est qu’UM NYOBE et ses amis (Moumié, Ossende Afana etc) au sein de l’UPC étaient des Camerounais de différents horizons. je n'ai pas beaucoup de précision mais on m'a même dit que les zones de bataille portait jusque dans les régions anglophones du Cameroun et même du Nord, je n'ai pas tous les noms mais j'ai eu quelques discussions avec les jeunes afin d'attirerleurs attention à cette prise conscience sur la nécessité n'est-ce pas de se mettre ensemble pour aborder le monde tel qu'il est avec ses difficultés parce que le monde aujourd'hui se construit en bloc d'intérêt, en bloc non pas seulement d'intérêt économique comme ça a été le cas par le passé. Aujourd'hui c'est un Bloc Identitaire c'est-à-dire que quand vous voyez la guerre de l'Ukraine, il n'y a pas de problème de pétrole mais les Africains voient très vite en fait qu’il y a un problème, Poutine réclame un terrain et une zone qui serait une zone russophone de l'ancienne URSS et les populations là-bas dans cette zone réclament de revenir à la Russie, c’est le cas de la Crimée donc il y a des blocs identitaires qui se construisent, l'Afrique à son bloc d'identité à consolider et pour cela, on compte sur la jeunesse parce que nous sommes le continent le plus jeune. Donc il faut une jeunesse plus éduquée, plus ouverte, plus informée pour que nous puissions bâtir la vision d'un bloc, d'une identité Africaine capable non pas d'exclure les autres mais de travailler en synergie avec d’autres blocs mais dans toute la plénitude de ces dynamiques sans aucune restriction.
Propos recueillis par Clément Noumsi
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