Affaire Elimbi Lobè : tribalisme ou tentative de révision de l’histoire ?
- Guy Etom
- 6 mars
- 3 min de lecture
Sur un plateau télé le 23 février dernier, l’homme politique s’est distingué en traitant Ernest Ouandié de « grand bandit ». Une pilule difficile à avaler pour bon nombre de Camerounais.

C’est à la faveur de la loi n°91/022 du 16 décembre 1991 portant « « réhabilitation de grandes figures (…) disparues qui ont œuvré pour la naissance du sentiment national, l’indépendance ou la construction du pays, le rayonnement de son histoire ou de sa culture », que Um Nyobè, Ernest Ouandié et Ahmadou Ahidjo étaient portés au rang de héros national. 54 ans après la mort de Ouandié, un débat vient de naître dans l’opinion publique sur son statut.
Après sa phrase choc, l’homme politique Elimbi Lobè, promoteur de la plateforme Kawtal, s’explique en ces termes : « Il a été attrapé par l'armée camerounaise, traduit en justice, condamné pour atteinte à la sûreté de l'État puis fusillé en janvier 1971. Monsieur Ouandié, sous le prétexte de lutter pour le bien du Cameroun, l'indépendance véritable, s'est permis de verser le sang des Camerounais qui ne lui ont rienfait ». Suffisant pour traiter ce leader de l’Union des populations du Cameroun (Upc) de « grand bandit ».
Rappel historique
Le parcours académique d’Ernest Ouandié était déjà très révélateur à l’époque. Titulaire du Certificat d’études primaires élémentaires (Cepe) et du diplôme des moniteurs indigènes (Dmi), il a longtemps travaillé dans le secteur public comme enseignant, tâche qui lui incombait la lourde mission d’éduquer les masses. Son entrée dans le maquis est subséquente à la répression sanglante dont a été victime l’Upc et ses leaders.
Farouche défenseur des libertés du Cameroun, il a essayé, comme l’explique le Pr. Albert Dikoume, de fédérer les groupes qui se réclamaient de l’Upc dans le Moungo. Mais bien avant l’arrivée de Ouandie dans cette région, explique l’historien, il y avait déjà des groupes armés qui commettaient des exactions. C’est Ouandie qui empêche l’exécution des sous-officiers Pierre Semengue (qui deviendra général), Edouard Etonde Kotto (qui finira colonel) et de Titus Malonguè, tous capturés par les forces de la résistance de l’Upc.
Il est donc inconcevable qu’avec toutes ces actions à son actif, il soit encore celui-là qui ordonna les pillages. Une théorie qu’Anicet Ekanè, homme politique et président du Manidem,corrobore : « Personne ne peut nier que dans un front de guerre, il y ait des dérapages, là n'est pas le problème. Le problème est : est-ce que ces dérapages sont le fait de la commission d’une décision ou d’un avis de la direction de la lutte ? Ouandié ne pouvait en aucun cas commanditer des actes de ce type, puisque Ouandié se battait pour l’ensemble des populations camerounaises. »
Elimbi Lobè, tribaliste ou révisionniste ?
Il est évident qu’un homme au background d’Abel Elimbi Lobène peut ignorer cette partie de l’histoire. Qu’il tente de la remettre en doute aujourd’hui participe plus du rejet de la tribu à laquelle appartient Ernest Ouandié. Le contrevenant ne met pas dans le même lot, les autres compagnons de lutte de Ouandié. Par ailleurs, il s’est à plusieurs reprises insurgé contre la tribu bamiléké, dont la bravoure et le sens des affaires lui donnent le vertige. Il y a quelques années encore, il traitait ces derniers d’envahisseurs, en demandant expressément aux membres de la tribu dont il est issu, de ne plus vendre leurs terres aux Bamilékés. Il ne s’agit donc pas ici d’une tentative de révisionnisme, mais bien un complexe d’infériorité qui se traduit par une haine viscérale envers une communauté, qu’il envisage pourtant de gouverner.
Guy Etom
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