Le conflit MINESEP-FECAFOOT, est symptomatique de la volonté de confiscation de tous les pouvoirs, dans les arcanes de la politique. Le politique au Cameroun, se veutun pouvoir dominateur, qui contrôle tout, régente tout, jusque dans les moindres détails. Une telle situation ne fait pas que du bien, pour les adeptes d’un totalitarisme tropical.
Au Cameroun, tout remonte à la Présidence de la République et tout y redescend, dans un mouvement de balancier contrôlé par un seul homme : le président de la République. Tout est actionné par un seul individu, qui détient quasiment le droit de vie et de mort sur l’ensemble des hommes comme des institutions. Un tel pouvoir compact, unidimensionnel, omniprésent et omniscient, ne peut qu’être dangereux, quel qu’en soit la bonne volonté et la bienveillance de son détenteur. Aussi, le football, ce sport qui emballe les foules, ne pouvait déroger à la règle, dans un Cameroun empreint de relents monarchisants.
De fait, le pouvoir politique agit ici comme un pouvoir de captation, de cooptation, de sujétion, d’assujettissement, et, finalement d’asservissement. Il est épidermique à tout ce qui pourrait ressembler à de la contestation, est frileux vis-à-vis des remises en cause, et catapulte les houspilleurs, hors du pays, lorsqu’il ne les envoie pas à Kondengui. A l’opposé des démocraties, il est échaudé par l’idée même de débat. Ilcombat les dérisions, s’offusque des démissions. Il est comme harcelé de l’intérieur, par une envie irrésistible de survivance à lui-même, souvent dans des formes contradictoires à l’idée même de progrès.
Un tel pouvoir ne s’y est pas trompé qui a abondamment utilisé le football et souhaite continuer à l’utiliser comme une drogue, un calmant, pour masquer à suffisance ses incompétences dans d’autres domaines et notamment le domaine économique, dont dépend le bien-être des populations. Le sport est ainsi utilisé comme un paravent, une couche de vernis servant à recouvrir des réalités économiques et sociales peu reluisantes, et à masquer les difficultés de survie quotidiennes des couches populaires de plus en plus nombreuses, qui peinent à faire face aux nécessités corrélées à leur survivance. Le sport et notamment le football, a longtemps constitué une des béquilles favorisant la survie du régime et la dissimulation de nombreuses entraves et des incapacités dans des secteurs vitaux pour le bien-être collectif. Le football a ainsi servi, le pouvoir en place lors de la coupe du monde 1990 en Italie. Alors que le pays était secoué par une vague de contestation dominée par une, grève généralepersistante, sous l’appellation de « villes mortes , le régime put ainsi se redresser contre toute attente, par le simple fait que les Lions Indomptables au cours de cette compétition, étaientparvenus à créer la surprise, qualifiant la toute première équipe africaine au stade des quarts de finales.
Deux ans plus tard, alors que l’accalmie revenait peu à peu suite à cette participation historique, et surfant sur cette mêmevague, Paul Biya organise une tripartite en lieu et place de la Conférence Nationale Souveraine, réclamée par l’opposition et la société civile. Celle-ci était censée faire l’inventaire de la situation globale du pays. Cet audit politique, sociétal et organisationnel, fut refusé, en partie du fait d’une meilleure tenue footballistique plus imprévue qu’espéré, dans les arcanes footballistiques mondiales.
Deux ans plus tard, et alors que l’on ne vendait guère chère la peau du régime, ce dernier réussit le tour de force d’organiser des élections présidentielles dans une atmosphère quelque peu apaisée. Malgré les fraudes et les contestations reconnues par la Cour Suprême du Cameroun chapeauté par DipandaMouelle, Paul Biya sera néanmoins déclaré vainqueur desdites élections sur un score de 39,98 % de voix favorable contre 35,97 % à Ni John Fru Ndi son challenger.
En 2017, le feuilleton de l’organisation de la 33ème Coupe d’Afrique des Nations a encore été l’occasion pour le régime, de faire appel au football pour survivre à lui-même. Initialement prévue au Cameroun, cette 33ème Coupe d’Afrique des Nations avait été reprogrammée en Egypte. Justifiant une telle option, le Président de la CAF d’alors, Ahmad Ahmad, avait excipé l’argument d’un défaut patent d’infrastructures sportives dans le pays. Il déclara Urbi et Urbi, que le Cameroun était « ...incapable d’organiser une Coupe d’Afrique des Nations, même s’il ne s’agissait que de 4 clubs ». Cette fois, le mal est fait. Cet épisode de« glissement » de l’organisation de la CAN 2019 au Cameroun, fut fortement utilisé par les opposants au régime pour battre campagne lors des élections présidentielles de 2018.
Le régime se promit alors, de ne plus jamais se laisser prendre en défaut, compte tenu de l’impact des enjeux footballistiques sur la sphère politique. L’annonce du deuxième report de la compétition par la CAF et pour les mêmes causes, fut reportéesine die, plus précisément après les élections présidentielles de 2018.
Ces quelques rappels montrent à quel point le régime de Yaoundé vit au rythme des résultats sportifs obtenus sous la bannière du football. Les victoires des Lions donnent ainsi lieu à des liesses populaires, aux agapes dans les foyers, à des retrouvailles entre copains, qui font la fête, sabrent du champagne. L’on oublie ainsi, le temps d’un week-end, de se poser les questions existentielles sur soi-même et sur la direction que prend le pays. Les populations donnent ainsi un nouveau blanc-seing à leurs bourreaux et leur permet, du fait de cette caution morale renouvelée, de se maintenir au pouvoir. Un tel maintien est contraire au mal réel ou supposé que le régime a pu exercer sur le bien-être collectif, en obstruant les débouchés et les opportunités qui auraient pu survenir sur le chemin de chaque citoyen, si les choses avaient été gérées autrement.
Le football joue ainsi au Cameroun, un rôle de plâtre, qui masque les fractures sociales et économiques. A chaque fois, il fait miroiter au peuple des lignes d’horizons porteurs d’espérance. Il favorise ainsi une double escroquerie. La soumission footballistique suscite la soumission chimique du peuple, à travers, bières et alcool ingurgités sans limite, à l’occasion des victoires sportives, en même temps que l’asservissement volontaire des citoyens aux institutions. Ces victoires détraquent les sens, et sèment des confusions souvent corrélées aux hormones euphoriques et furtives, que génèrent les réussites sportives
De fait, gérer le peuple à travers la distraction via le pain et les jeux, n’a jamais été aussi vrai au Cameroun que dans la Rome antique. L’exception camerounaise est cependant surprenante,puisque la même maxime s’applique sous les tropiques même et quand le pain se raréfie ou vient à manquer.
TIENTCHEU KAMENI MAURICE
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