Pris pour des membres de Boko Haram, les deux chercheurs en mission dans la région, ont été capturés et exécutés dans des conditions atroces par des habitants de Soulédé-Roua, dans l’Extrême-Nord.

Le drame de Soulédé-Roua, arrondissement dans la région de l’Extrême Nord du Cameroun, n’a pas seulement coûté la vie à deux hommes; il a anéanti des parcours d’exception, des trajectoires dédiées à la science et au développement. Frédéric Mounsi et Dr Bello Bienvenue n’étaient pas de simples visiteurs de passage dans cette région meurtrie par l’insécurité. Ils étaient des chercheurs engagés, porteurs d’un savoir et d’une expertise dont l’Extrême-Nord avait grand besoin.
Frédéric Mounsi, hydrogéologue chevronné, s’était donné pour mission d’améliorer l’accès à l’eau potable dans les zones arides du Cameroun. Formé à l’université de Yaoundé I, il s’était spécialisé en hydrogéologie appliquée, avant de poursuivre des recherches approfondies sur la gestion des ressources en eau dans les régions sahéliennes. Ses travaux sur les nappes phréatiques et la qualité de l’eau dans l’Extrême-Nord avaient déjà conduit à plusieurs projets d’adduction d’eau dans des villages enclavés. Lorsqu’il s’est rendu à Soulédé-Roua, Frédéric Mounsi répondait à unemission de terrain visant à étudier de nouvelles sources d’eau souterraine pour lutter contre la sécheresse. Son engagement allait bien au-delà de la recherche académique : il était un acteur du changement, convaincu que la science devait être au service des populations.
Le Dr Bello Bienvenue était, lui aussi, un esprit brillant dont le parcours forçait l’admiration. Docteur en sciences sociales, diplômé de l’université de Ngaoundéré, il s’était spécialisé dans les dynamiques de développement communautaire encontexte de crise sécuritaire. Son travail, à mi-chemin entre anthropologie et action humanitaire, l’avait mené à collaborer avec plusieurs Ong œuvrant dans l’Extrême-Nord.
Ses recherches portaient sur les mécanismes de résilience des communautés face aux conflits, un sujet d’une actualité brûlante dans cette région en proie aux incursions de BokoHaram. Il s’efforçait de comprendre comment les populations locales pouvaient reconstruire un tissu social fragilisé par des années de violence. Il était en mission à Soulédé-Roua pour évaluer l’impact de la crise sur les modes de vie et proposer des solutions adaptées.
Un savoir foudroyé par l’ignorance et la peur
Leurs diplômes, leurs compétences et leur engagement n’ont pas suffi à les protéger de la tragédie. À Soulédé-Roua, ce jour-là, ils n’étaient plus des chercheurs venus pour aider, mais des étrangers dans un contexte de psychose généralisée. La science s’est heurtée à la peur, la raison à la brutalité. L’histoire de Frédéric Mounsi et du Dr Bello Bienvenue aurait dû être celle de chercheurs dont les travaux contribuent au progrès. Elle s’est transformée en un récit d’horreur, un symbole des dérives de la justice populaire et des dangers de l’ignorance. Leur disparition laisse un vide immense, non seulement pour leurs familles, mais aussi pour le monde académique et les communautés qu’ils s’efforçaient d’aider.
Alain Leuwat
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