Ces petits détails qui livrent le visage ubuesque d’un coup préparé longtemps à l’avance. Evocations.
Le coup de force au Gabon est unique en son genre car pour une première fois, on a l’impression que le nouvel homme fort de ce pays n’est pas celui qui a fomenté le coup. Les médias ont de ce fait annoncé qu’il a été désigné comme celui devant assumer la transition à la tête du pays. Par qui ? Ses camarades d’armes a-t-on compris. C’est exactement comme si les militaires s’étaient spontanément mis ensemble, avaient organisé la chute d’Ali Bongo sans une tête pensante. C’est après l’accomplissement de la mission qu’ils auraient jeté le dévolu sur le général de brigade qui du reste assurait la garde de la présidence. La vidéo qui tournait en boucle au petit matin du 30 août sur la toile présentait cet état de chose dans le préau du palais de la Rénovation à Libreville.
Si on prend les récents coups d’Etat sur le continent, il s’agit tout simplement d’une rupture dans le modus operandi. Que ce soit au Mali, au Burkina Fasso, en Guinée ou au Niger, les militaires font l’annonce à la télévision nationale, bien en connaissance du cerveau du coup. C’est aussi un coup qui donne les apparences de faire tout le consensus national.
On a de ce fait vu le général président de la République aller rendre visite au domicile d’Ondo Ossa, visiblement le grand vainqueur de l’élection présidentielle du 26 août, d’ailleurs évoqué par les militaires pour justifier le coup d’Etat. Et ce n’est pas tout. Quelques jours après le coup, Ali Bongo Ondimba recouvre sa pleine liberté d’aller et de venir.
On sait aujourd’hui par exemple toute la pression faite sur le nouveau pouvoir au Niger pour libérer Mohamed Bazoum. Au Burkina, au Mali ou en Guinée, les chefs d’Etat déchus prennent directement le chemin de l’exil dès qu’ils recouvrent la liberté. L’exemple gabonais est de ce point de vue curieux. Un troisième point qui fait l’inédit de ce coup d’Etat, est la condamnation mièvre des organisations régionales ou de la communauté internationale. La Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique centrale (Cemac), la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (Ceeac) ou l’Union africaine (Ua), se sont illustrées par des sorties laconiques pour demander le retour à l’ordre constitutionnel. Les Nations unies et les puissances mondiales, grands défenseuses de la démocratie ont mis la pédale douce, se contentant de suivre avec une grande attention les évènements en cours pendant que sur les réseaux sociaux une vidéo du président de la République déchu suppliait ses amis à travers la planète de faire du bruit pour sauver son pouvoir. Rien qu’un silence glacial en retour.
L’autre facette du coup d’Etat gabonais est la ressemblance entre le Comité pour la transition et la restauration des institutions (Ctri) au Gabon et le Conseil militaire de la transition au Tchad où les militaires ont la possibilité d’être candidat à l’élection présidentielle au terme de la transition. C’est connu, alors que Deby Itno Mahamat sera en course au terme de la transition à l’élection présidentielle tout comme d’ailleurs Brice Clotaire Oligui Nguema au Gabon, il est exigé aux militaires putschistes en Afrique de l’Ouest de remettre au plus vite le pouvoir aux civils. Ceux qui semblent adouber les militaires en Afrique centrale, sont les mêmes qui sont vent debout contre les militaires au Sahel.
Par Léopold DASSI NDJIDJOU
Comments