Le 3 mai comme chaque année, se célèbre la Journée Mondiale de la Liberté de la Presse. Une journée singulière qui devrait être à la fête, mais qui, dans le monde entier, à l’exception de quelques pays occidentaux, se célèbre dans une morosité mortifère. Une sinistrose ambiante voulue par les pouvoirs et divers régimes en place, qui s’expriment plus par la singularité des vexations, tortures et autres assassinats infligés aux journalistes et hommes de média, que par l’exemplarité de leur conduite vis-à-vis de cette profession charnière de toutes les libertés.
Aussi, assiste-t-on de plus en plus, et ce, dans la quasi-totalité des pays du monde entier, à des libertés brimées, des droits bafoués, des obligations extorquées sur l’autel des mastodontes de la répression. Ces derniers, triomphant, exhibent comme trophées de guerre, des libertés triturées, des espoirs ruinées, des droits opprimés. Des aspirations à la liberté tombent comme des vestiges d’une voute précambrienne, incapable de résister aux assauts démesurés des trolls et autres outils cybernétiques de la fabrique de la désinformation. Partout, les pouvoirs tendent à régenter la presse, afin de bien monter leur défiance vis-à-vis de ce quatrième pouvoir, qui prétend contrôler les trois premiers. Les journalistes payent le prix fort du droit d’informer et d’être informé, pourtant inscrit dans La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Le journaliste devient ainsi, le bouc-émissaire tout désigné des maux de diverses sociétés, souvent minées par des politiques atypiques, inappropriées, voire déshumanisantes, et spoliatrices des droits, et des libertés.
Le 3 mai de chaque année, constitue une journée de la honte dans la plupart des pays, où informer devient un crime dès lors qu’on refuse de prendre parti pour les autorités en place, ou de faire chorus avec une engeance de thuriféraires, toute dévouée au pouvoir ou à ses appendices locaux. Une journée où des crimes sont souvent lavés à grande eau, par des pontes qui n’osent même plus assumés leurs facéties tumultueuses, dans le vacarme ambiant d’une agitation, effrénée suscitée par des appétits de fin de règne.
Dans notre pays, cette journée prend une connotation toute particulière, avec l’assassinat de Martinez Zogo, et la disparition forcée de Samuel Wazizi, Ces hauts faits de guerre, ont créé un vent de capitulation, dans la plupart des rédactions, et suscité la fuite éperdue de la dernière escadrille des fusiliers de la plume, qui croyait bien faire en dénonçant, même timidement, quelques tares de leur société. Aussi, assiste-t-on désormais, dans les salles de rédaction, à une autoflagellation des esprits, une dilution des plumes dans des discours qui tendent à prendre de plus en plus fait et cause pour le régime en place. Les étoiles de la liberté se sont étiolées au profit des nuits noires assombries par des escouades de flagorneurs, acquis au pouvoir en place. Les nécessités de la survie quotidienne, ont pris le dessus sur la dirimance des critiques. La véracité des faits, est parfois entortillée dans les affres d’une ritournelle incompréhensible, créant ainsi plus de bruits que de clarté nécessaire à l’éclosion de l’objectivité. Des plumes, hier encore acerbes, tendent à s’adoucir, pour fondre complètement dans le lignage des affidés du pouvoir. La vérité est mise en coupe réglée, dans l’antre de la vénalité. L’équité et l’impartialité gisent désormais sous les épaves d’une kyrielle de curiosités, assombries par l’expressivité de plus en plus forte, d’une presse à gage.
La liberté de la presse se trouve ainsi à mal, cambriolée par des gangs, qui se prennent pour des journalistes. Ceux-ci brillent plus dans de singuliers braquages à la plume transformée en arceau, que par la recherche de la véracité des faits. Cette véracité n’a jamais été aussi mise à mal, bien qu’elle constitue en définitive le graal vers lequel devrait tendre le journaliste.
Des inventions fantasmagoriques, tiennent désormais lieu de faits. Celles-ci exhalent pourtant des odeurs pestilentielles, d’où suinte parfois une rhétorique guerrière, lorsqu’elle en vient à être questionnée. Le peuple est ainsi désabusé, voire estomaqué par des commentaires et des analyses outrés, issus souvent de celles et ceux là-mêmes, qui devraient être considérés comme des phares de la société. Des plumes plutôt vacillantes que téméraires, émergent de toutes parts, pour faire chorus à l’arnaque, à l’esbrouffe et à l’imposture.
L’opinion plonge ainsi dans la gadoue des fake news et autres infox, qui plombent son libre arbitre et biaise ainsi les éléments fournis par la presse. Ces derniers devraient pourtant servir d’aide à la décision. Une décision désormais questionnée, tant le journaliste ne charrie plus de nos jours, les valeurs de l’exactitude et de la probité.
En conséquence, le peuple s’en détourne, ce qui fragilise de plus en plus ce métier, naguère considéré comme le beau du monde. Le journaliste devient ainsi objet et vecteur de l’abêtisation, au travers d’une labélisation du mensonge. Des mensonges d’Etat, des collusions néfastes avec des castes empourprées dans diverses violations des Droits Humains, y compris des Droits les plus imprescriptibles. Il se transforme ainsi en une marionnette aux mains des excavateurs de la vérité, sous le couvert de diffuseur de l’information. Il est le porte-étendard de mensonges relictuelles, qui finissent par façonner une société en pleine décomposition. Celle-ci perd désormais ses repères. Des actes vexatoires à la déontologie et la saine pratique du métier, sont érigés en fanion de la sagacité et du discernement. La critique devient rare et risquée, cependant que sur l’investigation plane désormais la chape de plomb des fourreaux de la répression.
Le métier est envahi par un vague-à-l’âme expressif de la morosité ambiante et il est désormais presqu’interdit de « ne rien dire pour nuire et ne rien taire pour plaire ». Les chérubins de l’information sont ainsi portés, à travers les ombres feutrées « du gombo », vers l’amoncellement de nuages qui menacent la profession. Le public ne s’y est pas trompé, qui tend de plus en plus à faire confiance aux bloggeurs, aux influenceurs et autres lanceurs d’alerte. La profession rentre ainsi dans le tunnel noir de la perte de sa notoriété. Cette ambiance morose requestionne la magnificence des meilleures praxis du métier qui, au fil du temps, se sont brisées les ailes sous les fourches caudines de la duplicité.
TIENTCHEU KAMENI Maurice
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