Liberté de la presse: D. Trump crée le silence sur les ondes africaines
- Alain Leuwat
- 19 mars
- 3 min de lecture
En supprimant le financement des médias publics opérant à l’international, le président des Etats-Unis restreint l’accès à une information libre dans de nombreux pays, et laisse un vide que les autres vont occuper.

La décision brutale de l’administration Trump de geler les financements de plusieurs médias publics américains opérant à l’international plonge une partie du paysage médiatique africain dans l’incertitude. Des institutions telles que Voice of America (VOA), largement suivie sur le continent, se retrouvent paralysées, mettant en péril une source d’information cruciale pour des millions d’auditeurs. Dans plusieurs pays, notamment ceux où la liberté de la presse est fragile, VOA représentait une alternative aux médias d’Etat, souvent perçus comme inféodés aux régimes en place.
Depuis le 16 mars, les bureaux de VOA à travers le monde subissent une fermeture progressive. Des journalistes, contraints de restituer leurs accréditations, se retrouvent dans une impasse, tandis que les programmes en langues locales risquent d’être suspendus. Un coup dur pour des pays comme la République démocratique du Congo, le Mali ou encore l’Éthiopie où VOA diffuse en langues locales et couvre des sujets sensibles que les médias nationaux évitent souvent.
La fermeture progressive de ces médias constitue une aubaine pour certains gouvernements africains, souvent en conflit avec la presse indépendante. La disparition de VOA et de ses antennes régionales signifie un affaiblissement des voix critiques et un appauvrissement du débat public. « Sans VOA, il n’y aura plus de contrepoids face aux dérives autoritaires de certains dirigeants », alerte un journaliste burundais, qui craint une montée en puissance de la censure. Pour les populations locales, l’impact se fera rapidement sentir. De nombreuses zones rurales, privées d’infrastructures médiatiques locales, dépendent de ces radios internationales pour s’informer. Les coupures de financement risquent donc d’accentuer le déficit d’accès à une information indépendante et pluraliste.
Un impact sur la formation et le journalisme africain
Au-delà des pertes en termes d’accès à l’information, la décision de Donald Trump affecte directement le développement du journalisme en Afrique. Depuis des décennies, VOA et d’autres médias américains ont joué un rôle central dans la formation des journalistes africains, en proposant des programmes de perfectionnement et en collaborant avec des écoles de journalisme.
La fin de ces initiatives risque d’appauvrir un secteur déjà en difficulté, où les formations de qualité restent rares et coûteuses. Par ailleurs, de nombreux journalistes africains employés par ces médias aux Etats-Unis sont menacés d’expulsion, leur visa étant lié à leur contrat de travail. Une situation dramatique pour ces professionnels qui, pour certains, ont fui des régimes autoritaires et ne peuvent envisager un retour dans leur pays d’origine.
L’impact de cette décision dépasse le cadre médiatique. En Afrique, où la bataille de l’influence entre grandes puissances s’intensifie, la suppression de ces médias ouvre la voie à d’autres acteurs, notamment chinois et russes. Pékin, avec CGTN, et Moscou, via Sputnik et RT, n’ont cessé de renforcer leur présence sur le continent.
La fin du soutien américain aux médias internationaux risque donc de rééquilibrer le paysage médiatique au profit d’acteurs aux agendas bien définis. Alors que le Congrès américain pourrait encore tenter de bloquer cette décision, le mal est déjà fait. La voix de Washington sur le continent s’amenuise, laissant un vide que d’autres s’empresseront de combler. Pour les défenseurs de la liberté de la presse, ce tournant marque une régression inquiétante, non seulement pour le journalisme africain, mais aussi pour l’influence démocratique des États-Unis sur la scène mondiale.
Alain Leuwat
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