Mémoire nationale: profanation de la tombe d’Ernest Ouandié
- Alain Leuwat
- 14 mars
- 2 min de lecture
La sépulture de cette figure emblématique de la lutte pour l’indépendance du Cameroun a été vandalisée à Bafoussam dans la nuit du 9 au 10 mars 2025.

Dans la matinée du 10 mars, les habitants du quartier Plateau à Bafoussam découvrent avec stupeur un spectacle de désolation : la tombe d’Ernest Ouandié, pilier de la lutte pour l’indépendance du Cameroun, a été profanée. Les carreaux ont été brisés, une partie de la dalle endommagée, et des blocs de parpaings gisent au sol. Les images de cette scène circulent rapidement sur les réseaux sociaux, provoquant une vague d’indignation. « C’est une attaque contre notre mémoire collective », s’indigne un historien. Ernest Ouandié, exécuté en 1971 sous le régime d’Ahmadou Ahidjo, incarne pour de nombreux Camerounais le sacrifice ultime pour la liberté. Depuis sa réhabilitation en 1991, sa tombe était devenue un lieu de recueillement et de mémoire. Aujourd’hui, cet espace est souillé par un acte dont les motivations restent floues.
Si l’indignation est unanime, les interprétations divergent. Certains y voient un simple acte de vandalisme, tandis que d’autres dénoncent une manœuvre politique. La polémique a été alimentée quelques jours plus tôt par les propos d’Abel Elimbi Lobe qui a qualifié Ouandié de « bandit » lors d’un débat télévisé. « Lorsqu’on arrête Ernest Ouandié, il ne faisait pas de la politique », a-t-il déclaré, provoquant un tollé. Pour le rappeur engagé Valsero, il ne s’agit pas d’un hasard. Dans une vidéo publiée sur YouTube, il dénonce « un acte délibéré du gouvernement » visant à diviser l’opinion publique à l’approche de l’élection présidentielle de 2025. « Vous pouvez détruire mille fois la tombe de Ouandié, mais vous n’éteindrezpas la flamme qu’il a allumée », martèle-t-il.
Entre devoir de mémoire et instrumentalisation
Cet événement met une fois de plus en lumière les tensions persistantes autour de la mémoire des figures nationalistes. Pour les militants de l’Union des populations du Cameroun (Upc), cette profanation est une insulte aux sacrifices de leurs anciens camarades. Michel Ecladore Pekoua, responsable local du parti, a annoncé son intention de porter plainte et exige que les coupables soient identifiés et traduits en justice.
Mais au-delà de l’émotion, cette profanation soulève une question cruciale : comment préserver la mémoire historique du Cameroun ? L’entretien des lieux de mémoire, leur protection contre les actes de vandalisme et leur transmission aux générations futures semblent aujourd’hui des enjeux négligés par les autorités.
L’affaire dépasse le simple cadre de la profanation d’une sépulture. Elle révèle une bataille toujours vive autour de l’héritage historique du Cameroun. Ernest Ouandié reste un personnage clivant, héroïsé par les uns, contesté par d’autres. Mais peut-on réécrire l’histoire en détruisant ses traces ? Alors que l’enquête suit son cours, les Camerounais attendent des réponses. Dans un pays où les repères historiques sont souvent instrumentalisés, la préservation de la mémoire nationale apparaît plus que jamais comme une nécessité. Car, comme le rappelle un enseignant d’histoire à Douala, « une nation qui oublie ses héros est une nation qui se condamne à errer sans boussole ».
Alain Leuwat
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