INTERVIEW Nicolas Alnoudji : « Aux jeux olympiques de 2000 chaque joueur a reçu entre 200.000 et 400.000 FCFA comme primes de participation »
On ne présente plus Nicolas Alnoudji. Sa réputation en tant que Lion indomptable et champion du Sidney 2000 a depuis longtemps dépassé le triangle camerounais. Tous les fans de football hurlent de joie au seul nom de Nicolas Alnoudji, ancien numéro 7 et talentueux des Lions. Langage simple, franc et direct, Nicolas Alnoudji est resté talentueux même dans ses prises de position. Il vit au Cameroun depuis sa retraite. Il s'est ouvert à nous et nous avons parlé de sa carrière de footballeur et des anecdotes du Sidney 2000.
A.E.E : Qui est Nicolas Alnoudji pour les générations nées entre 2000 et 2010 qui n'ont pas eu le privilège de vous voir jouer ?
Nicolas Alnoudji est un ancien Lion indomptable vainqueur des jeux olympiques 2000. Je suis originaire de Garoua marié et père de trois enfants dont 02 garçons et 01 fille. J'ai évolué à l'équipe nationale du Cameroun et dans divers clubs de football dans le monde.
Au début c'était la passion comme tout enfant qui court derrière un ballon à l'adolescence. Cette trajectoire n'a pas été facile avec les parents surtout ma mère qui ne voulait pas entendre parler du football. Mais je me retrouvais à chaque fois entrain de partir jouer sans permission. Quand ma mère a constaté cela elle m'a fait partir de Garoua pour un village éloigné croyant que je vais laisser le football.
Je me rappelle à l'époque je n'avais pas de licence et à chaque fois que l'équipe du collège partait jouer au fenasco j'étais toujours dans le groupe. Chacun devrait avoir son maillot blanc, moi j'avais toujours le mien et il m'était toujours demandé de dépanner un aîné qui n'en avait pas et moi je restais dehors et j'observais.
Un jour on doit jouer contre un collège et notre équipe est incomplète. Le coach me demande mon poste je lui dis milieu de terrain il me trouve très audacieux. Ce jour j'ai joué et quand je suis entré au stade je ne suis plus jamais sorti le coach m'a fait titulaire. J'avais entre 12 et 13 ans. Je pars du secondaire pour intégrer Élec sport de Garoua, un club de deuxième division à la faveur d'un test. Avec Élec sport de Garoua j'ai fait une année avant d'être repéré par Coton sport de Garoua étant déjà à l'école de football des brasseries du Cameroun quatrième promotion.
A.E.E : Pendant votre carrière de footballeur avez-vous rencontré d'autres joueurs avec qui vous avez fait l'école des brasseries ?
Oui bien-sûr ils sont nombreux Samuel Eto'o Fils, Pierre Womé, Geremi Njitap, Serges Branco, Seydou Alioum, Ngom…), à notre époque les brasseries formaient les joueurs pour des clubs et moi j'étais déjà à Coton sport de Garoua. Ce qui fait que j'évoluais en club et j'apprenais encore aux brasseries. Étant joueur de Coton sport j'intègre les brasseries pour me former. À notre époque tu ne faisais pas l’école de football des brasseries tu ne représentais rien. La majorité des joueurs de l'équipe nationale sortaient des brasseries. J'ai eu la chance d'avoir de grands entraîneurs comme Collette Mbarga Engelberg. Après je suis parti à Montaigu (une coupe du monde minime), on ne prenait que les joueurs des brasseries. Vous comprenez dont l'importance d'intégrer les brasseries.
Après les brasseries j'ai évolué au Tonnerre en 1999 et c'était ma dernière année avant de passer en professionnel.
A.E.E : Comment vous intégrez l'équipe nationale du Cameroun. Un ancien joueur vous a t'il inspiré ?
Le joueur qui m'avait inspiré par son jeu c'est Omam Biyick. Je rêvais aussi jouer au Tonnerre. J'étais ravi quand monsieur Essomba Eyenga m'a fait appel dans ce club.
Pour l'équipe nationale j'ai eu la chance. Vous savez quand vous jouez à Garoua vous n'avez pas de chance d'être remarqué. Je suis sélectionné en 1997 par le coach Nguidjol, j'ai préparé les jeux de la francophonie. Puis on le nomme directeur administratif. Le coach Ntoungou Mpilé arrive il ne me connait pas on fait des matchs il me fait asseoir au banc de touche.
On a fini une séance d’entraînement je suis allé le voir je lui ai dit coach je suis quitté de loin si je suis sélectionné cela voudrait dire que j'ai quelque chose à apporter à l'équipe. Si vous estimez que je ne peux rien apporter payez moi le transport je rentre. C'est en ce moment qu'il demande mon poste on est en 1997 et on prépare la francophonie de Madagascar. Le lendemain il sort son équipe je ne suis pas là. À la mi-temps il me cherche il dit fiston vient t'échauffer. Moi je dis dans mon cœur que ''coach moi je suis déjà chaud depuis hier'‘ j'entre au stade le premier ballon que je touche c'est le public qui criait en désordre disant que coach tu laissais l'enfant là dehors tu comptes sur quoi ? depuis ce temps je suis devenu titulaire jusqu'au jeu de la francophonie où nous sommes rentrés avec une médaille en bronze.
A.E.E : Comment vous avez préparé les jeux olympiques de de Sidney 2000 ?
On a commencé la préparation du Sidney 2000 aux jeux de la francophonie. Le groupe avait toujours été ensemble Patrick Mboma, Womé et Samuel Eto'o venaient jouer avec nous lors des éliminatoires. Les seuls qui ne venaient pas c'était Jérémie Njitap. Le staff technique avait intégré 02 joueurs Mimpo et Etamé Mayer. On passait des stages en Angleterre. Les entraîneurs de Manchester nous donnaient un coup de main. Entre les entrainements du coach Akono et ceux des coachs de Manchester il y avait une grande différence. Nous préférions les entraînements des coachs de Manchester sans toutefois dénigrer le coach Akono. D'ailleurs c'est avec les entraînements non-stop du coach Akono que nous avons pu résister pendant 90 minutes au stade. Les entraînements de Manchester étaient plus stylés, cadrés.
L'Anecdote que je garde s'est déroulée à Akono. On préparait le tournoi africain finalement le match contre le Gabon a été annulé. On a cru qu'on allait bénéficier d'un repos de deux jours. Ce même jour nous avons vu le coach Akono faire la mise en place pour une séance de travail. Nous avons pris la résolution de ne pas travailler nous sommes sortis de l'équipe. Il nous a traité de vieux joueurs. Il a mis les jeunes qui étaient restés en confiance qu'ils iraient aux jeux olympiques. Dans l'après-midi on revient il sort sa nouvelle équipe type sans tenir compte de nous. Sauf que nous étions les meilleurs. Nous avons livré un match avec sa nouvelle équipe type qu'on a gagné 2 - 0. Après les deux buts il a demandé qu'on arrête il nous a demandé de ne plus lui faire ce qu'on a fait le matin.
Combien gagnait chaque joueur aux jeux olympiques de 2000 ?
Je ne me rappelle plus bien mais avant de partir aux jeux olympiques au Sidney on avait une prime soit de 200.000 ou 400.000Fcfa. Je ne pense pas que quelqu'un avait eu plus de 400.000Fcfa. Et on nous avait payé à l'étranger là-bas tu ne pouvais rien faire avec 400.000 FCFA. Le ministre essayait toujours de nous mettre l'idée en tête que le Cameroun est un pays pauvre. On lui a dit excellence nous sommes conscients de cela prenez cet argent comme notre contribution si ça va faire progresser le pays. Pour nous c'était une manière de refuser.
Dans l'aventure des jeux olympiques le match le plus difficile était celui contre les États Unis on avait fait match nul. Avec le Brésil on avait rien à perdre on savait que si on gagne on parlera de nous et si le Brésil gagne c'est normal. C'est moi qui mène l'action pour passer le ballon à Mbami et c'était un but en or aux prolongations. Le Brésil avec sa constellation de stars était abattu.
A.E.E : Nicolas Alnoudji après les J.O de 2000 et la Can 2002 on ne vous a plus vu avec l’équipe nationale. Qu'est ce qui n'a pas marché ?
C'est un choix personnel, j'ai eu d'autres situations qui m'ont contraint à arrêter avec la sélection nationale. D'abord il y a eu un manque de respect qui avait commencé à s'installer à la sélection. Pas seulement les joueurs mais aussi l'encadrement. Et moi j'ai horreur du manque de respect parce que je respecte tout le monde. J'ai eu la chance de jouer avec les grands frères comme Rigobert Song, Patrick Mboma, Kalla, Womé…), le football m'a permis de découvrir des pays, de parler plusieurs langues, d'être connu partout où je passe. C'est ça la reconnaissance. Je remercie Dieu, mes anciens coéquipiers avec qui je garde de bons souvenirs.
Entretien réalisé par : J. Patrick DJON
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