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Cosmétiques au romarin

Traite négrière du 21ème siècle au Nigeria

Attirés par la promesse d’un emploi lucratif, des dizaines de jeunes Ivoiriens ont été piégés par un réseau de traite humaine dans ce pays, le plus peuplé d’Afrique.


Des jeunes ivoiriens sont suivis à Abidjan après avoir été rapatriés du Nigéria où ils étaient pris au piège dans un réseau de traite d'êtres humains.
Des jeunes ivoiriens sont suivis à Abidjan après avoir été rapatriés du Nigéria où ils étaient pris au piège dans un réseau de traite d'êtres humains.

Dépouillés de leurs documents, séquestrés et soumis à une exploitation impitoyable, des migrants ivoiriens ont vécu au Nigéria un calvaire rappelant les sombres heures de l’histoire. Les espoirs d’un avenir meilleur se sont brisés sur la brutalité d’un système d’exploitation implacable. Derrière ces pratiques, une organisation criminelle transnationale prospère sur le désespoir de la jeunesse africaine. Comme tant d’autres jeunes Africains aspirant à une vie meilleure, une quarantaine d’Ivoiriens ont cru à la promesse d’un emploi bien rémunéré au Nigeria. Mais derrière ces offres séduisantes se cachait un réseau criminel organisé, dont les méthodes rappellent les mécanismes de la traite négrière d’antan.

Le 3 février 2015, neuf d’entre eux ont été retrouvés à Abidjan, libérés grâce à l’intervention de leur ambassade. Mais une trentaine d’autres, dont plusieurs jeunes femmes, demeurent toujours sous l’emprise de ce réseau, qui s’étend au-delà du Nigeria, avec des ramifications au Ghana et au Burkina Faso.


L’itinéraire de Mamadou Bora, 25 ans, illustre la sophistication de ce piège. Contacté par un ami de confiance lui proposant un emploi à Abuja avec un salaire quatre fois supérieur à ses revenus en Côte d’Ivoire, il saisit cette opportunité. A son arrivée, le rêve vire au cauchemar. Avant même de commencer à travailler, on lui réclame 500 000F.Cfa pour des « formalités administratives ». Sa famille, inquiète mais confiante, envoie la somme demandée. Une fois l’argent encaissé, tout bascule. Dépouillé de son passeport et de son téléphone, il est enfermé dans une maison avec d’autres victimes.

Le seul moyen de « survie » consiste alors à piéger à son tour d’autres personnes : attirer de nouvelles recrues ou convaincre ses proches d’envoyer de l’argent sous prétexte d’un départ imminent vers l’Europe ou le Canada. Un véritable lavage de cerveau s’opère, enfermant les victimes dans un engrenage où honte et peur paralysent toute tentative de révolte.


L’enfer de la captivité

Les conditions de détention relèvent de l’inhumanité. Une seule ration de nourriture par jour, trois cuillerées de gari (une semoule de manioc), une surveillance permanente et une promiscuité insoutenable. « Pendant un mois, tu peux ne pas aller à la selle », témoigne Ibrahim Coulibaly, un rescapé au visage marqué par l’épuisement.

Certains, brisés par le système, finissent par l’accepter, espérant grimper dans la hiérarchie et alléger leur propre souffrance. Mais pour d’autres, comme Ibrahim, la fuite devient une nécessité. Après deux mois d’enfermement, il réussit à escalader la clôture et erre dans les rues d’Abuja avant d’être recueilli par des policiers. Son témoignage déclenche une intervention diplomatique qui permettra de libérer plusieurs captifs. Mais sur les 38 victimes encore séquestrées, seules neuf acceptent d’être rapatriées. « Beaucoup ont honte », explique Gaoussou Karamoko, directeur général des Ivoiriens de l’Extérieur, une institution de l’Etat ivoirien. Non seulement ces jeunes ont perdu leurs économies, mais certains ont, sous la contrainte, escroqué leurs propres familles.


Ce réseau criminel, qui recycle les méthodes de la traite transatlantique, prospère sur la détresse des populations ouest-africaines. Son fonctionnement repose sur la manipulation de la confiance et l’illusion d’une ascension sociale rapide. Selon des sources sécuritaires, des ressortissants burkinabè et maliens ont également été piégés par ce système.

Face à cette nouvelle forme d’esclavage, les autorités ivoiriennes espèrent une coopération avec le Nigeria pour démanteler ce trafic. Mais tant que la migration restera un espoir de survie pour des milliers de jeunes Africains, ces réseaux continueront d’exister, exploitant sans scrupule les rêves de ceux qui cherchent une vie meilleure.


Alain Leuwat

 
 
 

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